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Le numéro de rentrée de l’excellente revue « Infos-Yoga » vient de paraître.
Il contient entre autre une interview de Yann par Mathieu au sujet de « l’après Arnaud Desjardins » que l’éditeur nous a permis de reproduire in extenso ci-dessous…


Arnaud Desjardins est mort le mercredi 10 août dernier, à l’âge de 86 ans, des suites opératoires d’une affection cardiaque. J’ai voulu en savoir plus en allant interroger Yann Le Boucher, l’un de ses élèves directs, bien connu des lecteurs d’Infos-Yoga.

– Quand as-tu vu Arnaud pour la dernière fois ?

Nous avons eu le privilège de recevoir Arnaud dans notre Centre de la Bertais sur un long week-end en mars 2011, soit seulement un peu plus de quatre mois avant sa disparition. Mon épouse et moi-même avons eu un contact prolongé assez intime avec Arnaud à cette occasion et nos élèves présents ce week-end gardent un souvenir lumineux des réunions d’enseignement et des méditations qu’Arnaud avait animées à cette occasion. Les photos qui illustrent cette interview ont d’ailleurs été prises à cette occasion…

Arnaud Desjardins avec Yann et Anne-Marie à La Bertais, mars 2011

– Peux-tu raconter à ceux qui ne l’ont pas connu le parcours d’Arnaud ?

La vie d’Arnaud Desjardins est particulièrement bien remplie et c’est une gageure que de l’évoquer en quelques lignes. Ce n’est pas pour rien que l’écrivain Jacques Mousseau lui a consacré en 2002 une biographie de 354 pages1 à laquelle je ne peux que renvoyer les plus curieux des lecteurs d’Infos-Yoga!

Plus récemment, son fils Emmanuel a réalisé une interview filmée de deux heures qui retrace d’une façon particulièrement inspirante le parcours extérieur et intérieur de cet homme remarquable2. A ceux et celles qui voudraient faire davantage connaissance avec Arnaud, je ne peux, là encore, que recommander chaudement ce DVD…

Mais pour les plus pressés, voici un bref survol : Arnaud a été touché très tôt par l’idée de la possibilité d’un Eveil de la Conscience.  Il a donc consacré sa vie à la quête de cet éveil, puis à la retransmission des enseignements reçus des principaux maîtres fréquentés durant sa quête et enfin il est devenu, de par son accomplissement intérieur, une source vivante d’inspiration pour toute une génération de chercheurs spirituels dont je fais partie.

D’un point de vue pratique, cela l’a d’abord conduit à fréquenter les groupes Gurdjieff, puis les ashrams hindous (Arnaud était un grand « devotee » de la sainte et sage bengalie Ma Ananda Mayi), puis la première génération des maîtres du boubbhisme tibétain alors exilés en Inde (entre autres, Dudjom Rimpoché, Kalu Rinpoché, Khyensé Rinpoché, Gyalwa Karmapa, pour qui il a servi « d’ambassadeur » en Europe et en France). Il a ensuite approché les maitres soufis de l’Afghanistan d’avant l’invasion Russe, ainsi que le milieu des maîtres Zen du Japon. Parallèlement à ces rencontres d’Orient, il a aussi noué des liens privilégiés avec quelques représentants de la spiritualité chrétienne, en particulier au sein de la tradition monastique cistercienne.

Mais au final, c’est le sage hindou Swâmi Prajnânpad qui aura joué le plus grand rôle dans sa quête personnelle et c’est essentiellement à la retransmission de l’enseignement de ce maître qu’il aura consacré les 40 dernières années de sa vie…

– Les rares quotidiens qui ont relaté la disparition d’Arnaud Desjardins semblaient embarrassés pour le définir, la Croix le qualifie d’ « écrivain », le Dauphiné Libéré de « Sage», d’autres de « philosophe », quel terme serait le plus juste ?

Plusieurs personnes autour de moi ayant appris la nouvelle du décès d’Arnaud par la radio (France Inter) ou par la télévision (TFI), je ne dirais pas comme toi que les médias ont été discrets concernant sa disparition, même si, bien évidemment, Arnaud n’était pas un personnage aussi médiatique que mon autre mentor, le regretté Steve Job ! Ceci dit, et sans conteste à mes yeux, le terme de sage est celui qui convient le mieux, du moins si on prend la peine de le définir puisqu’il n’est pas d’usage courant dans notre culture. Par exemple, bien qu’Arnaud ait publié près de quarante ouvrages3, son intention première n’était pas de faire oeuvre d’écrivain mais simplement de témoigner de ses découvertes et de partager son expérience en matière de voie spirituelle. Il n’était pas non plus un philosophe en ce sens qu’il ne considérait pas que sa fonction première était la production d’idées nouvelles ou originales. S’il maniait le verbe ce n’était que pour convaincre son auditoire de la nécessité d’une pratique concrète et « non-verbale » de la voie. Bref, si on entend par sage un homme dont l’expérience de la vie est suffisamment vaste pour lui donner un recul fondamental par rapport aux vicissitudes de l’existence et un regard compréhensif et non dogmatique sur la condition humaine, alors oui, en ce sens, c’est certainement le qualificatif qui décrit le mieux Arnaud.

–  Quand as tu vu Arnaud pour la première fois ?

C’était dans ma jeunesse, il y a environ 35 ans ! Avec mon épouse nous projetions de nous rendre en Inde en quête d’un maître capable de nous guider spirituellement. Nous avions vu précédemment les émissions de télévision d’Arnaud Desjardins et lu ses premiers livres sur les ashrams hindous. Les informations sur l’Inde spirituelle étant assez rares à l’époque, nous lui avons écrit pour lui demander de le rencontrer afin qu’il nous conseille sur notre projet de voyage. Dans sa première réponse de l’époque il nous informait qu’il avait cessé ses activités publiques et qu’il vivait désormais retiré en Auvergne où il se consacrait à retransmettre l’enseignement qu’il avait reçu de son propre maître Swâmi Prajnânpad. C’est ainsi que nous nous sommes retrouvés en avril 1976 au Bost, le lieu de son premier ashram. Ce premier contact a été suffisamment inspirant pour nous donner envie de renoncer à notre voyage et nous avons d’emblée proposé notre candidature pour devenir ses élèves. Mais Arnaud ne l’entendait pas comme cela et au lieu de chercher à nous retenir, il a tout fait pour nous éloigner de lui : « Vous êtes jeunes et sans expérience réelle de ce qu’est la voie et la relation avec un maître. Vous n’avez donc pas de critères pour apprécier la valeur de ce que je propose ici. Allez en Inde, rencontrez tous les maîtres que vous pourrez rencontrer et tentez de trouver le vôtre. Ensuite et ensuite seulement, si vous êtes encore intéressés par ce que je propose ici, revenez me voir… »

–  Arnaud transmettait l’enseignement de Swami Prajnânpad. Ce dernier tentait une ambitieuse synthèse entre yoga et psychanalyse ; qu’en disait Arnaud ?

Arnaud a beaucoup bénéficié pour lui-même de cette synthèse et tout naturellement avait l’ambition de la préserver et de la retransmettre à son tour, la considérant comme l’apport spécifique de son maître à la spiritualité du XXème siècle.  Il nous en parlait donc avec conviction et nous incitait à nous engager à sa suite dans le travail de purification de l’inconscient inauguré par Swâmi Prajnânpad et qui constituait l’un des quatre aspects fondamentaux de la sadhana d’ensemble qu’il proposait à ses disciples sous le nom d’adhyâtma yoga (Yoga en direction du Soi).

– Peux-tu nous parler des lyings ?

Le mot anglais « lying » signifie « allongé ». A l’origine, ce sont les quelques élèves français de Swâmi Prajnânpad qui l’ont utilisé entre eux pour différencier les entretiens assis (sitting) qu’ils avaient le plus souvent avec leur maître, des séances psychothérapeutiques allongées que celui-ci leur proposait à certains moments de leur sadhana. Par la suite, le mot a été repris en France pour désigner la technique d’exploration de l’inconscient mise au point par Swâmi Prajnânpad, qui est en effet en partie inspirée de la cure analytique. Sans pouvoir entrer dans tous les détails, je veux dire ici que cette forme de pratique psychothérapeutique n’a, malgré tout, qu’une parenté indirecte avec la psychanalyse car, d’une part, elle implique le corps et les émotions de façon beaucoup plus directe que la cure analytique et d’autre part elle est indissociable du projet d’éveil spirituel propre au Védânta traditionnel dont se réclamait Swâmi Prajnânpad.

Dans la forêt de Gahard, mars 2011

Par chance, Arnaud a vécu assez longtemps pour avoir eu le temps de préparer sa succession et depuis déjà plusieurs années il avait constitué autour de lui une équipe bien formée et motivée capable de pérenniser son œuvre et de maintenir vivant le feu allumé à Hauteville.

Très concrètement, le centre est à présent dirigé par une collégialité de quatre personnes soigneusement préparées à prendre ce relais, dont Emmanuel son propre fils. Je ne me fais donc pas de souci pour l’avenir à court et moyen termes d’Hauteville.

Et pour le plus long terme, il appartient à la communauté de tous ses élèves -dont je fais partie- de relever le défi d’incarner l’enseignement reçu de telle façon que celui-ci puisse « faire envie » et devenir « contagieux par l’exemple » jusqu’à, peut-être, se retransmettre aux générations suivantes…

–  Tu as dit qu’Arnaud avait écrit ou coécrit une quarantaine d’ouvrages. S’il ne fallait en lire que trois, lesquels conseillerais-tu ?

Personnellement, j’ai beaucoup apprécié le tout dernier livre paru au printemps 2011 sous le titre « La paix toujours présente, santé spirituelle et santé psychique5 ». Il s’agit d’un ouvrage simple et facile à lire mais où on peut sentir en filigrane la richesse peu ordinaire de l’expérience de vie de celui qui s’y exprime.

Le second livre que je recommanderais est plus ancien puisqu’il a été publié en 1987. Son titre : « La Voie du Cœur5 ». Son principal intérêt est qu’il montre de façon particulièrement claire que si l’adhyâtma yoga se rattache bien au yoga de la connaissance ou jnâna yoga, il ne néglige pas pour autant la dimension affective de l’être humain. Arnaud y montre en effet de façon convaincante que le développement de notre capacité à aimer est au centre de sa préoccupation, quand bien même les outils utilisés pour y parvenir sont autres que ceux habituels de la dévotion religieuse ou bhakti.

Le troisième livre est le plus « difficile » mais aussi le plus important à lire pour ceux et celles qui se sentent personnellement concernés par la voie de l’adhyâtma yoga. Il s’agit d’un des quatre tomes de la série « A la recherche du Soi » qui a pour titre « Le Védânta et l’Inconscient5 ». C’est le livre de référence pour qui veut avoir une vue synthétique de l’ensemble de la démarche que proposait Swâmi Prajnânpad à ses disciples et à ce titre c’est aussi le livre que nous demandons de lire en priorité aux personnes qui souhaitent travailler avec nous à La Bertais6 dans cette ligne. On y trouve en effet un exposé précis des quatre lignes de travail évoquées précédemment, ce qui permet entre autres de situer à sa juste place la démarche de purification de l’inconscient par le lying qui ne représente ainsi au plus qu’un quart de la sadhana totale proposée par cette forme de yoga.

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Note n°1 : « Arnaud Desjardins, l’ami spirituel » par Jacques Mousseau, Edition Perrin

Note n°2 : « Récit d’un itinéraire spirituel, entretiens avec Arnaud Desjardins » DVD diffusé par Alizés Diffusion

Note n°3 : La liste exhaustive se trouve entre autres sur la page de l’encyclopédie en ligne Wikipedia à l’article « Arnaud Desjardins« 

Note n°4 : Nom du centre spirituel fondé par Arnaud Desjardins et situé en Ardèche. Plus d’information sur : www.hauteville.org

Note n° 5 : « La Paix toujours présente » Editions de la Table ronde ; « La voie du cœur » Editions Pocket spiritualité ; « Le Védânta et l’Inconscient » Editions de la Table ronde.

Note n°6 : Nom du centre affilié à Hauteville qu’animent Yann et Anne-Marie Le Boucher près de Rennes. Plus d’information sur : www.labertais.org

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